Coronavirus : quand la crise rend plus criantes les inégalités salariales femmes-hommes

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L’heure est-elle à la lutte pour l’égalité dans un contexte d’urgence vitale ? L’antenne parisienne de BPW a justement estimé opportun de maintenir les actions prévues ce jour symbole du 25 mars, en adaptant le programme aux contraintes du confinement. Pour deux raisons, à la fois pragmatique et éthique : "La date du 25 mars est déterminée par le calcul de la différence salariale femmes-hommes et la remettre à plus tard n’aurait pas de sens, explique Valentine Viard, présidente de BPW Paris. En outre, comme par le passé, lors des guerres par exemple, cette crise met en lumière l’importance du travail des femmes, qui se retrouvent en première ligne. Maintenir nos initiatives est une manière de leur rendre hommage", ajoute-t-elle.

Il est bon de le rappeler : les femmes représentent 90 % des aides soignants, 88% des effectifs infirmiers et près de la moitié des médecins, 90% des personnels aux caisses des magasins qui assurent le ravitaillement, 82 % des enseignants du primaire qui veillent au suivi de la scolarité de nos enfants privés d’école, ou encore 90% du personnel des Ehpad auprès de nos aînés isolés. Alors qu’elles sont donc plus mobilisées que jamais et plus exposées, les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Une inégalité d’autant plus révoltante aujourd’hui.

Des inégalités salariales qui s’accentuent en cours de carrière
Cette situation ne date pas d’hier, comme en témoigne l’âge canonique de BPW, une ONG centenaire, à l’origine de l’Equal Pay Day, qui milite depuis sa création pour que les femmes aient les mêmes droits que les hommes dans le monde du travail. Et malgré les efforts pour corriger cette différence, l’écart de salaire stagne encore autour de 25%, tout temps de travail confondu d’après l’Observatoire des Inégalités (23,7% selon l’Insee). "Ce chiffre en cache d’autres, tout aussi inquiétants, souligne Valentine Viard : au début de la vie professionnelle, au sortir d’une école, à l’entrée dans la même entreprise, une jeune femme est embauchée avec un salaire de 10 à 14 % inférieur à celui d’un jeune homme présentant le même diplôme. Et en fin de parcours, ces inégalités, auxquelles s’ajoute le problème du temps partiel pas toujours choisi, impactent les pensions de retraite dont la différence atteint 42% au détriment des femmes". L’Equal Pay Day est l’occasion chaque année d’inciter entreprises et pouvoirs publics à agir.

La présidente de BPW Paris salue ainsi les initiatives gouvernementales des dernières années en France, à commencer par la loi Copé-Zimmermann imposant un quota minimum de membres de chaque sexe dans les conseils d’administration, ainsi que le nouvel index Pénicaud. Imposé depuis 2019 aux entreprises de plus de 1000 salariés, et depuis 2020 à celles qui en comptent plus de 50, celui-ci vise plus directement l’égalité salariale. Ainsi, 17% des sociétés soumises au calcul se sont trouvées sous le seuil limite des 75 points mais des efforts ont été faits par beaucoup d’entre elles pour progresser d’une année sur l’autre. BPW France entend aussi sensibiliser les entreprises de moins de 50 salariées, non soumises à l’Index : "Elles emploient cinq millions de femmes qu’il faut aussi aider pour réduire les écarts de salaire qu’elles subissent", pointe Agnès Bricard, présidente de BPW France.

Pour les autres, un non-respect du seuil limite de 75 points à l’Index les expose dans les trois ans à des sanctions, pouvant aller jusqu’à 1% de la masse salariale. "Reste à savoir si celles-ci seront bien appliquées. Car il faut des mesures coercitives, juridiques et financières, pour avancer", assure Valentine Viard. Mais aussi des changements de culture et de pratiques en entreprise : c’est le sujet de la table ronde virtuelle, organisée pour ce 25 mars, et accessible en ligne.

Prendre des responsabilités pour progresser en rémunération
Pour les cinq participants, François Bloch, directeur général de KPMG France, Sébastien Darrigrand, directeur général de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), Lucille Desjonquères présidente du cabinet Leyders Associates et du chapitre France de l’International Women Forum, Pascale Dumas, PDG de Hewlett Packard France et Valérie Jénot-Laluque, fondatrice de La Pizza du Dimanche Soir, l’égalité salariale femmes-hommes apparaît comme une évidence. Presque un "non sujet" pour tous. Etonnant ! Et rare... Ce serait l’effet d’une culture d’entreprise fortement inclusive et/ou d’une prise de conscience personnelle de longue date sur l’intérêt de la diversité pour garantir les performances économiques. Selon François Bloch, l’essentiel est d’incarner ces valeurs au plus haut niveau pour les insuffler ensuite en cascade à tous les échelons.

De son côté, la consultante Lucille Desjonquères note "la volonté de nombreuses entreprises de trouver des solutions pour faire monter le middle management féminin et dépasser les blocages que les femmes s’imposent elles-mêmes". L’évolution en termes de prise de responsabilités est aussi la solution pour progresser dans l’échelle des salaires. "Le but n’est pas de développer un esprit de compétition, mais de donner confiance aux femmes dans leurs compétences", ajoute Pascale Dumas. Exemplarité au sommet, accompagnement des carrières, empowerment pour gagner en audace dans la négociation s’avèrent ainsi essentiels.

Revaloriser les salariées du "care"
Pour Sébastien Darrigrand, il est aussi temps d’affiner les outils de ressources humaines portant sur les critères d’évaluation des postes et des rémunérations afin de corriger les biais et de mieux prendre en compte la question de l’égalité femmes-hommes. Et en attendant que les entreprises fassent leur part, les femmes peuvent travailler leur propre stratégie : ce 25 mars, BPW Paris propose une conférence live, à 15 heures, sur la psychoéthique de la négociation salariale, menée par Cécile Chavel.
Le confinement levé, BPW pourra reprendre ses actions de sensibilisation en entreprises, ses ateliers de négo-training pour former les femmes à négocier leur salaire (14 étaient prévus dans toute la France ce 25 mars par BPW France), voire lancer une campagne d’affichage, si le Forum Génération Egalité se tient comme prévu à Paris début juillet, à partir des planches issues du Petit Illustré de l’Egalité réalisé par la dessinatrice Lulu d’Ardis pour l’Equal Pay Day 2020,. Et Valentine Viard de conclure : "La sortie de la crise sanitaire devra aussi nous pousser à revaloriser le rôle et la rémunération des femmes majoritairement présentes dans les secteurs du care." Merci pour elles.
Par Sophie Viguier-Vinson,

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